Depuis quelques jours, dans le calme suspendu de la salle de montage, Guy et Martine travaillent à l’écoute. Une écoute patiente, presque méditative. Pas celle qui prend note, mais celle qui cherche à entendre au-delà des mots. Ils réécoutent les voix. Celles des rencontres de l’autre fois, des fragments recueillis ici à Carvin, entre une porte entrouverte, un sourire, une confidence.
Mais ce ne sont pas les mots qu’ils écoutent d’abord — ce sont les timbres. Ces nuances infimes, ces grains d’humanité qui donnent à chaque parole sa vibration propre. Le souffle d’une personne timide. Le grave d’une mère. Le léger tremblement d’un souvenir qu’on n’a jamais dit tout haut. Un rire voilé. Une respiration qu’on n’avait pas remarquée sur le moment, et qui soudain serre la gorge.
Ils coupent, ils déplacent, ils re-réécoutent. Non pas pour polir, mais pour révéler. Comme on nettoierait une pierre trouvée au bord du chemin, sans la rendre lisse, juste pour mieux en voir les veines. Martine écoute avec les yeux. Guy entend avec la mémoire. Ensemble, ils bâtissent une voix collective à partir de cette constellation de timbres singuliers. C’est une écriture sans plume, une composition faite de matières sonores.
Et puis, au milieu de tout ça, ils ont fait une pause.
Une pause offerte, simple, souriante : Le Chat Botté de la compagnie BVZK, accueilli à la Médiathèque dans le cadre des Plaines d’Été. Une salle pleine, des enfants qui rient, des adultes qui se laissent emporter. D’autres timbres. D’autres voix. Plus hautes, plus franches, plus drôles. Les sons du théâtre, les élans du jeu.
Et peut-être que c’était ça, aussi, une forme de montage. Entendre le monde dans toute sa diversité sonore. Le rugueux, le doux, le décalé, le tendre. Des voix qui racontent, d’autres qui inventent. Mais toujours, cette même vibration : celle de la vie qui cherche à se dire.
Et dans la tête de Guy, sans doute, quelques phrases sont venues.
Et dans celle de Martine, peut-être, une ponctuation nouvelle.
Car écouter les timbres, c’est déjà commencer à écrire.